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AVIS: Projet de loi concernant le budget de l’Etat pour 2013: Agir rapidement et efficacement contre la dégradation des finances publiques

  • Publié le 13.11.2012

La Chambre des Métiers a présenté dans le cadre d'une conférence de presse son avis concernant le Projet de loi du Budget de l'Etat pour 2013.

Des finances publiques à la dérive

Sur les dernières années, les finances publiques se dégradent de façon significative et continue. Concernant le budget de l’administration centrale de l’année en cours, le déficit a été sous-estimé d’environ 500 mio € et atteindra le niveau record de 1.650 mio €. Pour l’exercice 2013, il est estimé à 1.000 mio €.
Sur les 14 dernières années, 11 exercices terminent dans le rouge. La dette qui en 2007 s’élevait encore à moins de 7% du PIB devrait atteindre 26% en 2013.

Des mesures de consolidation unilatérales, largement insuffisantes et «anti-économiques»

La Chambre des Métiers prend note de la mise en oeuvre de mesures de consolida-tion. Or, si cette politique budgétaire va dans le bon sens, les mesures annoncées sont largement insuffisantes, alors qu’elles n’arriveront pas à rétablir l’équilibre au niveau de l’administration publique (Etat central, communes, sécurité sociale) en 2014, ce qui constituait pourtant l’objectif proclamé par le Gouvernement.
Par ailleurs, les mesures sont unilatérales en ce que le Gouvernement combat le dérapage des dépenses publiques essentiellement à travers la réduction des inves-tissements publics et le relèvement conséquent de la charge fiscale. Ces deux élé-ments représentent à eux seuls 74% de l’effort de consolidation.
Finalement les mesures sont à qualifier d’ «anti-économiques», alors que la hausse de la charge fiscale aura des effets négatifs sur les entreprises. En effet, en rédui-sant leurs revenus nets, elle met en péril le financement des investissements dans l’outil de production, ce qui aura un impact défavorable sur la croissance écono-mique future. L’augmentation du poids de la fiscalité dégradera en outre la compé-titivité du Luxembourg, en rendant moins attrayant le pays pour les investisseurs étrangers. Cet argument vaut également pour la hausse de la charge fiscale des personnes physiques qui diminuera l’attraction du pays pour la main-d’oeuvre étrangère, notamment frontalière.

La baisse des investissements publics risque d’avoir des effets défavorables sur l’activité du secteur de la construction et donc sur son emploi, si cette diminution n’est pas compensée par une hausse de la demande privée. Cette mesure détério-rera également à terme la compétitivité au cas où la baisse toucherait des investis-sements vitaux pour l’économie.

La Chambre des Métiers exige des mesures correctives incisives

Dans ce contexte de dégradation des finances publiques, et dans le souci de pré-server le modèle social luxembourgeois, des mesures correctives urgentes et inci-sives devraient être prises par le Gouvernement pour corriger ces déséquilibres.

Selon la Chambre des Métiers, cette détérioration ne correspond pas à un phéno-mène conjoncturel, donc temporaire, mais bien à un problème structurel. Il est en effet fortement probable que la croissance économique n’atteindra plus dans les années à venir les niveaux des dernières décennies. Ainsi, la croissance tendan-cielle sera notamment pénalisée par les restructurations en cours au niveau du secteur financier. Enfin, on assiste à un processus de désindustrialisation rampant qui semble avoir été accéléré par la crise.

Il faut rappeler que des déficits publics récurrents impliquent une hausse continue de la dette publique, et donc une augmentation progressive du service de la dette.

La politique de consolidation n’est pas synonyme de récession économique

Tout d’abord, l’économie nationale se caractérise avant tout par l’exportation de services et de biens, ces activités ne dépendant donc pas de l’évolution du pouvoir d’achat au Luxembourg. A titre d’illustration, il y a lieu de relever que la dépense de consommation finale ne représente que 20% de la demande de biens et services adressée à l’économie luxembourgeoise.

S’il ne fait pas de doute qu’une politique de consolidation impactera dans une cer-taine mesure l’économie nationale, le fait de ne pas corriger la dérive des finances publiques entraînera à terme des difficultés économiques bien plus graves. Ainsi, des moyens financiers toujours plus conséquents seront absorbés par le service de la dette, ce qui réduira progressivement la marge de manoeuvre du Gouvernement. En outre, le Luxembourg risque de perdre la notation AAA, avec comme consé-quence une hausse du taux d’intérêt à payer sur les emprunts publics et à la clé un accroissement plus significatif et rapide encore de la dette.

La Chambre des Métiers propose une réduction linéaire des dépenses publiques hors investissements

D’un point de vue financier, l’assainissement des finances publiques ne pourra se réaliser par des mesures ponctuelles, dont l’incidence sur le déficit est très réduite.

Sur le plan politique, le désavantage de la mise en oeuvre de mesures ponctuelles réside dans le fait qu’elles touchent un segment spécifique de la population (p. ex. les ménages à bas revenus ou les ménages plus aisés, etc). C’est la raison pour la-quelle elles font logiquement l’objet de contestations de sa part.

Par contre, la mise en oeuvre d’une réduction linéaire des dépenses publiques cor-respondrait à un effort collectif de la population au sens large pour rétablir l’équilibre des finances publiques. De ce fait, la Chambre des Métiers propose la détermination d’un objectif budgétaire d’après lequel les dépenses publiques se-raient réduites de façon linéaire, hormis toutefois les dépenses d’investissement. En effet, ces dernières subiront d’ores et déjà en 2013 une baisse de l’ordre de 9%. Par ailleurs, les investissements contribuent au renforcement de la compétitivité.

Une telle mesure déclenchera une radiographie de l’ensemble des dépenses, de même qu’une remise en question des méthodes de travail et d’organisation, ainsi que des subventions et des aides étatiques. Ce «screening» devrait avoir pour ob-jectif de rechercher le potentiel d’économies dans les divers postes budgétaires en distinguant entre l’utile et le nécessaire, d’un côté, et les «nice to have» de l’autre côté. Le potentiel pourrait être exploité sans pour autant priver les ménages néces-siteux des aides dont ils ont besoin et sans pénaliser outre mesure les entreprises dépendant de la demande intérieure.

Le Gouvernement effectue un pilotage à vue et se montre réticent à implémenter des réformes structurelles

Des prises de décisions contradictoires les unes par rapport aux autres, une atti-tude plutôt attentiste en ce qui concerne les finances publiques se traduisant no-tamment par des tergiversations quant à l’opportunité de prendre des mesures de consolidation et quant au contenu de celles-ci montrent que le Gouvernement n’effectue en fin de compte qu’un pilotage à vue. Des exemples concrets illustrant cette politique ne manquent pas.

La décision d’abolir la contribution de crise est prise 7 mois après son entrée en vi-gueur. La mise en oeuvre de l’accord salarial dans la fonction publique est reportée 9 mois après sa signature. A peine 1 semaine après sa présentation, les groupes parlementaires majoritaires annoncent des amendements au projet de budget de l’Etat.

De même la politique économique sous-jacente aux mesures de consolidation est incohérente. Ainsi, les taux de la bonification d'impôt pour investissement sont augmentés en 2011 pour être revus à la baisse en 2013, alors que cet instrument devrait stimuler l’investissement privé. Enfin, l’introduction d’un impôt minimal pour les entreprises est contraire à une politique de promotion de l’esprit d’entreprise et de soutien des PME, en touchant de manière disproportionnée ces dernières.

La Chambre des Métiers s’oppose à l’instauration d’un impôt minimal, alors qu’il pénalise davantage des PME d’ores et déjà fragilisées par de piètres résultats fi-nanciers.

Le Gouvernement démontre une fois de plus sa réticence à vouloir mettre en oeuvre des réformes structurelles, d’ailleurs recommandées par le Conseil de l’Union européenne. Elles concernent notamment l’assainissement des finances publiques, le financement à long terme du régime de pensions et la formation des salaires.

Si des mesures ont été prises dans les prédits domaines, et même si elles vont dans la bonne direction, elles manquent toutefois largement de mordant pour être à la hauteur des défis. La «réforme» du régime de retraites en constitue un bon exemple, puisqu’elle n’aura pour effet que de repousser de quelques années le «mur des pensions».

Par conséquent, le Gouvernement ne respecte pas le principe de solidarité intergé-nérationnelle en pratiquant une politique du court terme sur le dos des générations futures.

Mettre en oeuvre une politique de relance économique

La Chambre des Métiers est d’avis qu’il faut entamer une politique de relance éco-nomique, notamment en simplifiant les procédures d’autorisation, une mesure sans incidence budgétaire. La table ronde annoncée par le Premier Ministre dans son discours sur l’état de la nation sera la chance ultime pour achever des progrès en la matière.

En matière de politique du logement, il s’agirait de débloquer l’offre de logements en réduisant la complexité et les délais des procédures d’autorisation, de même qu’en prenant des mesures destinées à contrer la pénurie de terrains à bâtir. Une approche similaire peut être adoptée pour la réalisation d’autres investissements, comme par exemple l’implantation d’entreprises et la construction d’infrastructures publiques. Les avantages d’une telle démarche seraient multiples.

Du point de vue économique, des procédures plus souples et des délais raccourcis amélioreront la compétitivité de l’économie. En augmentant l’offre immobilière ré-sidentielle, il serait possible de réduire la pression sur les salaires, générée par la hausse rapide et continue des prix du logement.

Sur le plan social, une activité accrue contribuera à assurer ou développer l’emploi du secteur de la construction. De surcroît, l’accès au logement serait facilité par une meilleure maîtrise des prix.

Les finances publiques sortiraient également gagnantes d’une telle démarche, alors que l’amélioration de la compétitivité et la stimulation de l’activité du secteur de la construction assureront des recettes fiscales supplémentaires.

Pour de plus amples informations au sujet de l'avis de la Chambre des Métiers sur le projet de loi concernant le budget des recettes et des dépenses de l’Etat pour l’exercice 2013, n'hésitez pas à contacter Norry DONDELINGER au 42 67 67 257 ou par e-mail à Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.