Après des décennies marquées par une croissance exceptionnelle, le Luxembourg entre dans une nouvelle ère budgétaire, où les recettes ne permettent plus de compenser le mode de vie dépensier de l’Etat. Au regard d’une croissance atone et des marges de manœuvre en déclin, le projet de budget 2026 ne marque pas encore l’inflexion nécessaire pour relever le défi de taille de la compétitivité du pays et d’un développement durable à long terme.
Dans un contexte où le solde nominal des administrations publiques est désormais déficitaire, l’administration centrale devrait connaître des déficits considérables jusqu’en 2029, pour un cumul estimé de 7,2 milliards d’euros entre 2025 et 2029. Cette prévision repose sur une hypothèse de croissance de 2%, un objectif relativement ambitieux, selon la Chambre des Métiers, au regard des réalités économiques.
Le Luxembourg est d’ores et déjà confronté à une réalité incontournable et impitoyable : l’Etat ne peut pas tout financer à la fois. Investir dans la défense, soutenir la transition écologique, résoudre les problèmes structurels du pays – pénurie de logements, une mobilité à la limite, la pérennité de la sécurité sociale.
Une stratégie claire, cohérente et responsable s’impose, avec un cadre structuré pour évaluer l’impact des dépenses publiques afin d’ajuster les priorités et d’optimiser les investissements. Les finances publiques sont, en effet, principalement caractérisées par une logique de redistribution immédiate des recettes, plutôt que par leur provisionnement en prévision des engagements à long terme, tels que le vieillissement de la population ou les changements climatiques. Le Fonds souverain intergénérationnel, qui ne représente que 0,9 % du PIB, illustre ce manque d’anticipation.
Parallèlement, l’analyse des données économiques relève une autre tendance préoccupante : depuis 2024, l’emploi public a augmenté de 5 %, alors que le secteur marchand stagne. Conjugué à une explosion de la masse salariale de l’État central – qui a plus que doublé depuis 2016, passant de 2,3 milliards à 4,9 milliards d’euros, le déséquilibre structurel crée une pression salariale sur le privé et fait peser un risque fiscal croissant.
Une gestion budgétaire moderne doit s’axer sur la performance : des objectifs stratégiques clairement définis, des indicateurs mesurables et une évaluation systématique et transparente des résultats. Cette culture du résultat renforcerait la rigueur, la responsabilité et l’efficacité de l’action publique, tout en maximisant l’impact des dépenses sur le bien-être des citoyens et la compétitivité du pays.
Avec 63 % des recettes d’impôts sur le revenu des collectivités provenant du secteur financier, la politique de diversification économique mise en œuvre ces dernières années montre ses limites.
Dans un contexte où la diversification économique demeure cruciale, attirer et retenir des entreprises innovantes - dans l’intelligence artificielle, les technologies quantiques, l’économie des données, le spatial ou la Fintech —, s’avère une stratégie essentielle pour se défaire de la dépendance du seul secteur financier.
Sans un renforcement significatif des conditions-cadres, notamment en termes d’infrastructures (logements, mobilité et zones d’activités) et sans relever les défis structurels (financement des PME, soutenabilité de la sécurité sociale), le tout accompagné d’une véritable stratégie d’attraction et de rétention des profils qualifiés, notamment pour renforcer les compétences des entreprises artisanales, l’attractivité et la compétitivité du pays risquent de rester limitées.
Malgré les efforts du Gouvernement, la crise du logement s’aggrave. Depuis 2022, le Luxembourg a construit 6 000 logements de moins que la moyenne observée entre 2016 et 2020, tandis que l’emploi dans le secteur de la construction a reculé de 8 %. Alors que la simplification des procédures est en cours d’implémentation et la collaboration entre acteurs publics et privés se développe, ces initiatives s’avèrent insuffisantes face à l’ampleur de la crise.
En l’absence des mesures de soutien depuis le 30 juin 2025 et en considération de la diminution prévue des dépenses du Fonds spécial de soutien au développement du logement en 2026, la Chambre des Métiers appelle la main publique à renforcer son engagement budgétaire afin d’agir à la fois sur l’offre et sur la demande (de logements neufs). Elle préconise la mise en place d’incitations ciblées capables de stimuler la construction de logements tout en soutenant l’accès à la propriété des ménages.
En 2026, le Luxembourg dépensera plus de 21 000 euros par habitant pour sa politique sociale – un record au sein de l’OCDE. Cette générosité, louable dans son principe, s’expose à des critiques manifestes d’inefficacité et de ciblage social insuffisant.
Les dépenses sociales représentent depuis trente ans près de la moitié des dépenses publiques, indépendamment de la conjoncture. Une politique sociale équitable doit se recentrer sur les populations vulnérables, en s’appuyant sur des objectifs clairs et des évaluations rigoureuses.
La situation générale de la Sécurité sociale illustre cette fragilité. Le vieillissement de la population, la hausse des dépenses de santé et le ralentissement de l’emploi exercent une pression croissante sur les régimes en place. La récente réforme ne garantit la pérennité du système que jusqu’en 2029, soit un simple report de l’échéance avec des conséquences néfastes sur les générations futures. Une refonte en profondeur plus ambitieuse est indispensable pour adapter le modèle aux nouvelles réalités démographiques et économiques.
Le Luxembourg doit impérativement renouer avec son esprit de réforme qui a fait sa force et non pas se complaire dans l’immobilisme. Préserver des perspectives pour les générations futures exige des choix courageux : une croissance saine, une gestion responsable et une vision prospective, tournée résolument vers l’avenir.
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