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L’Artisanat au 2e trimestre 2020 : Activité en chute libre suite à la pandémie du COVID-19

  • Publié le 27.07.2020
L’Artisanat au 2e trimestre 2020 : Activité en chute libre suite à la pandémie du COVID-19
Chambre des Métiers

Prenant le pouls de l’Artisanat au mois de juin 2020, les résultats de l’enquête de conjoncture du 2e trimestre montrent les répercussions économiques de la pandémie du COVID-19, dont l’ampleur définitive n’est à ce stade pas encore connue. Ainsi, l’enquête de la Chambre des Métiers révèle que l’indicateur d’activité de l’Artisanat accuse au cours du 2e trimestre de l’année 2020 une chute de 27 points. L’intensité de cette baisse est encore pire que les chefs d’entreprise l’avaient anticipée au mois de mars, les prévisions tablant à l’époque sur un recul de 20 points. En fait, il s’agit de la chute la plus abrupte jamais observée depuis le lancement de l’enquête de conjoncture en 1986. Ainsi, elle est plus importante que la plus grande baisse enregistrée lors de la crise financière de 2008, à savoir une diminution de 12,4 points au 1er trimestre 2009.


[1]

Or, l’impact du coronavirus ne se limitera pas seulement au 2e trimestre, alors que la relance s’annonce compliquée pour beaucoup d’entreprises artisanales. D’après les prévisions, l’indicateur d’activité stagnera à bas niveau au 3e trimestre.

Si au cours de l’année 2019 l’indicateur d’activité demeurait stable, mais à un palier élevé, la pandémie a mis fin à un cycle conjoncturel favorable, entamé depuis le 4e trimestre 2013, donc depuis plus de 6 ans. Or, ce sont surtout les résultats du 2e trimestre 2020 qui laissent apparaitre l’envergure et les effets du confinement sur le secteur artisanal. Ainsi, seulement 5% des chefs d’entreprises estiment que l’activité a progressée au cours du 2e trimestre 2020 contre 78% qui indiquent le contraire. Le solde (différence entre le % de chefs d’entreprises indiquant une hausse de l’activité et de ceux déclarant une diminution) s’effondre en conséquence pour passer de +16 points au 4e trimestre 2019 à -7 points au 1er trimestre 2020 et à -73 points au 2e trimestre [2].

Par ailleurs, l’activité n’est pas le seul indicateur impacté par la crise – beaucoup d’entreprises souffrent d’un manque de liquidité qui va probablement s’empirer si les échéances de paiements reportés ou les moratoires viendront à terme. En outre, de plus en plus d’entreprises artisanales indiquent que leur nombre de salariés va stagner voire baisser au cours du 3e trimestre.

Les prévisions montrent l’incertitude qui règne dans le secteur. 71% des chefs d’entreprises indiquent que l’activité va stagner (57%) ou baisser (14%) lors du 3e trimestre par rapport au 2e trimestre 2020. Il est inquiétant que malgré la relance des activités, beaucoup d’entreprises ne s’attendent pas à une amélioration de la situation. Ce climat d’insécurité lié à la situation de crise implique, à en juger d’après les résultats de l’enquête, un report ou une annulation des investissements à réaliser par les entreprises, une décision qui devrait contribuer à une aggravation supplémentaire de la situation économique.

L’indicateur d’activité de l’Artisanat, dans lequel la construction occupe un poids très important, peut masquer des évolutions divergentes au niveau des différents groupes de métiers. Il faut souligner que tous les secteurs artisanaux ont été impactés négativement par la crise sanitaire, comme il ressort du tableau reproduit ci-dessous. D’après l’enquête de conjoncture, ce sont les groupes de la « mécanique » et de la « mode, santé et hygiène » (MSH) qui auraient le plus soufferts des effets du confinement et du déconfinement progressif. L’alimentation qui a été autorisée à poursuivre ses activités (mis à part celle des salons de consommation obligés de fermer et le service traiteur qui a subi la disparition des activités de type événementiel) semble avoir le plus de mal à se remettre pendant la relance au 3e trimestre.

Une information importante que l’enquête de conjoncture – en tant qu’enquête de type qualitatif - ne peut pas fournir est la baisse du chiffre d’affaires due à la crise sanitaire et les restrictions imposées au niveau de la circulation de la population. Pour pallier cette déficience, la Chambre des Métiers a réalisé trois enquêtes supplémentaires « COVID-19 » auprès de ses ressortissants [3]. Il en ressort qu’en moyenne le chiffre d’affaires a diminué de 26% en mai par rapport au même mois de l’année 2019. Pourtant, il existe des différences notables entre les diverses branches composant l’Artisanat.

Par la suite, la situation économique des différents secteurs est décrite de façon plus détaillée en se basant également sur les résultats des enquêtes COVID-19 menées par la Chambre des Métiers.

Construction : perte de rendement d’un côté et carnet de commande assez stable de l’autre côté

Après l’annonce gouvernementale de la fermeture obligatoire des chantiers et de l’arrêt des activités en date du 17 mars 2020, le secteur de la construction a été autorisé à reprendre ses activités à partir du 20 avril 2020. Il faut toutefois constater que la remobilisation a nécessité un certain temps et que le respect des mesures sanitaires strictes visant à endiguer la propagation du virus a un coût direct - p. ex. l’acquisition de matériel de protection – et conduit par ailleurs à des pertes de rendement sur les chantiers. Ces éléments ont inévitablement un impact économique sur la branche comme les résultats de l’enquête « COVID-19 » indiquent une baisse de 22% du chiffre d’affaire sur le mois de mai, après une chute de 53% en avril.

Par contre, l’« avantage » de ce secteur est que les commandes et projets n’ont pour la plupart pas été annulés, mais plutôt décalés dans le temps. Ainsi, les résultats de l’enquête de conjoncture montrent que le carnet de commandes ne diminue que de 0,1 mois sur une année pour atteindre 6,3 mois au 2e trimestre 2020. Pourtant, le secteur regrette qu’aucun accord n’ait été trouvé sur le plan du congé collectif ce qui aurait peut-être permis de récupérer une partie du chiffre d’affaires perdu lors du confinement.

Les représentants de ce secteur plaident aussi pour une politique d’investissement contracyclique de la part des pouvoirs publics qui permettrait de compenser une baisse de la demande privée.

Mécanique : les ateliers mécaniques actuellement moins impactés que les garagistes

Si les entreprises du groupe « mécanique » pouvaient continuer à travailler dans leurs ateliers, beaucoup d’entreprises de ce secteur, surtout les garagistes ont perdu une partie importante de leur chiffre d’affaires en raison du fait qu’ils étaient obligés de fermer les salles d’exposition au public. Selon les données du STATEC, le nombre de nouvelles immatriculations a baissé de 45% lors du 2e trimestre 2020. Il s’avère prématuré de juger si les commandes non-réalisées lors du confinement pourront être récupérées à l’avenir. En effet, dans un climat d’insécurité, on observe fréquemment des changements de comportement en ce sens que les ménages ainsi que les entreprises décident en général de réduire ou de reporter leurs investissements et que les consommateurs accordent une plus grande préférence à l’épargne.

En ce qui concerne les ateliers mécaniques, il semble que leur activité ait mieux résisté que celles des garagistes. En effet, ils ont pu continuer à travailler lors du confinement. Cependant, il se peut que leur activité soit impactée avec un certain décalage.

Les prévisions pour le secteur de la mécanique font état d’une stagnation de l’indicateur d’activité au 3e trimestre.

Alimentation : une activité « essentielle » durement éprouvée par la crise

L’alimentation en tant que secteur assurant une activité « essentielle » a pu continuer ses activités même s’il faut souligner qu’en parallèle les salons de consommation ont dû être fermés et que le service traiteur a subi de plein fouet la disparition abrupte des activités de type « événementiel ». Avec une diminution du chiffre d’affaires de 28% au mois de mai 2020 par rapport au même mois de l’année précédente, on ne peut certainement pas affirmer que l’impact de la pandémie soit négligeable pour cette branche.

Or, il ressort de l’enquête de conjoncture que malgré la réouverture des salons de consommation le 27 mai, le secteur est loin de retrouver son niveau d’activité habituel. Il est clair que les pertes de chiffres d’affaires revêtiront en grande partie un caractère irrécupérable, par exemple à cause de l’annulation d’importants événements. Les chefs d’entreprise prévoient même une aggravation de la situation au 3e trimestre 2020.

La majorité des entreprises souffrent d’un côté d’une baisse des revenus en raison de la diminution de la demande et de l’autre côté d’une hausse des coûts induite par le respect des mesures sanitaires. Cet effet « ciseaux » est d’autant plus grave pour l’alimentation, en ce que ces entreprises ressentent par exemple les effets négatifs du télétravail, causant une baisse de la fréquentation des salons.

« Mode, Santé & Hygiène » : la branche traverse une période très difficile

Les résultats de l’enquête de conjoncture indiquent que le groupe de métiers MSH subit pleinement l’impact de la crise sanitaire. Malgré une forte demande pendant les 2-3 semaines après la reprise du 11 mai, d’après les représentants de la branche, l’activité se situait loin en-dessous de son niveau de l’année antérieure au mois de juin. L’indicateur d’activité décroît de 30 points au 2e trimestre 2020 et, en moyenne, le chiffre d’affaires a diminué de 35% au mois de mai par rapport à celui du même mois de l’année 2019.

Par ailleurs, les entreprises doivent faire face à une augmentation de leurs coûts résultant de l’acquisition de matériel de protection et à une perte de productivité, liée à titre d’exemple aux restrictions imposées au niveau du nombre maximal de clients pouvant être accueillis. Ces évolutions ont évidemment un impact économique négatif.

Le bilan des effets du coronavirus sur ce secteur est d’ores et déjà très lourd, mais les éléments cités ci-avant vont continuer d’avoir des répercussions défavorables sur la MSH. Malgré l’octroi d’aides étatiques, il faut se poser la question si l’ensemble des entreprises de cette branche aura les capacités pour affronter avec succès les défis auxquels elles sont confrontées. Comme elles ont pour la plupart des marges bénéficiaires limitées en raison de la forte concurrence régnant dans ce secteur, il se pourrait que certaines d’entre elles n’aient pas suffisamment de réserves financières pour surmonter cette période difficile, d’où l’importance de dispositifs d’aides efficaces.

Selon les prévisions, les chefs d’entreprise tablent sur une faible augmentation de l’indicateur d’activité de 2 points au 3e trimestre.

Communication : une relance incertaine

Les résultats des enquêtes précédentes ont donné l’impression que la communication a été un peu moins impactée par la crise, comparé aux autres groupes de métiers. Avec les derniers résultats disponibles, on peut affirmer que tel n’est manifestement pas le cas. Au mois de mai 2020, le chiffre d’affaires a baissé de plus de 33% par rapport au même mois de l’année précédente.

Une explication possible pourrait résider dans le fait que les corps de métiers formant ce secteur ont été touchés à des degrés divers par la crise sanitaire : les photographes et les métiers du spectacle ont perdu des commandes liées à des activités de type « événementiel ». Ce sous-secteur doit se préparer à une reprise lente et difficile. Bien avant la crise, les imprimeries ont déjà subi les conséquences du changement structurel induit par la digitalisation progressive de la société. En ce qui concerne les ateliers graphiques, ils ont probablement pu maintenir un niveau d’activité supérieur aux branches précitées.

L'enquête de conjoncture de la Chambre des Métiers du 2e trimestre 2020 se base sur plus de 1.100 réponses d'entreprises artisanales représentant plus de 31.000 emplois. Les entreprises sont invitées à indiquer l’évolution des paramètres suivants pour le trimestre en cours et celui à venir : activité, emploi, carnet de commandes, prix de vente, chiffre d’affaires, situation de trésorerie, marge bénéficiaire et délais de paiement des clients. Le solde indiqué dans les graphiques représente la différence entre les réponses positives (p. ex. hausse de l’activité) et négatives (p. ex. baisse de l’activité) à une question spécifique du formulaire.

Téléchargez le PDF ici. 

 

[1] Le graphique représente le solde des réponses positives et négatives, lissé à l’aide d’une échelle mobile sur 4 trimestres ; en d’autres termes, il s’agit de la différence entre le pourcentage de chefs d’entreprises déclarant une hausse de l’activité et ceux constatant une baisse. Il faut noter que malgré le caractère qualititif de l'enquête, les analyses ont montré que l'indicateur de l'activité suit avec un certain décalage l'évolution du PIB.

[2] Avertissement : contrairement aux résultats repris dans le graphique 1 reproduit ci-avant, les données commentées dans le présent paragraphe n’ont pas été lissées par le biais d’une moyenne mobile

[3] Covid-19 : quelles conséquences sur votre activité ?